Histoire et mission

Attribution des fauteuils

Selon son ordre d’entrée dans la Société Charlevoix, chaque membre est titulaire d’un fauteuil. Les trois premiers fauteuils ont été attribués aux fondateurs puis, au fur et à mesure des élections, tous les fauteuils ont été détenus par un ou plusieurs titulaires tant et aussi longtemps qu’ils ont pu maintenir leurs activités au sein de notre association. En voici la liste :

Membres
1er fauteuil : † Gaétan Gervais (1992-2018 ; cofondateur)
2e fauteuil : Jean-Pierre Pichette (1992 ; cofondateur)
3e fauteuil : † Fernand Dorais (1992-1997 ; cofondateur)
Michel Bock (2005)
4e fauteuil : † René Dionne (1992-1999)
France Martineau (2006-2013)
Marcel Bénéteau (2013)
5e fauteuil : Fernand Ouellet (1993)
Julie Boissonneault (2015)
6e fauteuil : † Roger Bernard (1993-2000)
Ali Reguigui (2015)
7e fauteuil : Michel Gaulin (1998)
8e fauteuil : Yves Frenette (2001)
9e fauteuil : Simon Laflamme (2002)
10e fauteuil : Raymond Mougeon (2004-2013)

Membres émérites
Fernand Dorais (1998)
René Dionne (1999)
Roger Bernard (à titre posthume, 2000)
Fernand Ouellet (2003)
Michel Gaulin (2012)
Gaétan Gervais (2015)

La fondation de la Société Charlevoix

À l’instar de la Société des Dix pour l’histoire du Québec, il existe dorénavant, pour l’étude de la communauté française de l’Ontario, un regroupement de chercheurs : la Société Charlevoix, fondée à Sudbury et nommée en l’honneur de Pierre-François-Xavier de Charlevoix (1682-1761), le seul véritable historien du Nouveau Monde.
Signature - Pierre-François-Xavier de Charlevoix
C’est le 20 janvier 1992 que trois collègues, professeurs à l’Université Laurentienne de Sudbury[1], convenaient de créer un groupe de chercheurs spécialement voué à l’avancement des études sur l’Ontario français. Dès le départ, il fut entendu que ce groupe serait multidisciplinaire et représentatif, autant que possible, des trois grandes régions universitaires de l’Ontario, soit Toronto, Ottawa et Sudbury, que les personnes recherchées devraient être capables de collaborer fraternellement entre elles et que leur choix devrait être unanime. Au cours des réunions qui ont suivi, le trio initial a élaboré un projet de charte et proposé le nom de « Société Charlevoix » et mené des consultations sur le choix des premiers candidats à inviter. Aux trois membres fondateurs de Sudbury, se joignirent bientôt officiellement René Dionne, premier conseiller du groupe, Roger Bernard, sociologue, tous deux de l’Université d’Ottawa, et Fernand Ouellet, historien, de l’Université York. Ce sont là les six membres qui ont joint les rangs de la Société Charlevoix dont le nombre de membres en exercice a été limité à dix.

Les réunions et activités

La cinquième réunion de la Société Charlevoix se tint à l’Université d’Ottawa au cours de l’automne suivant, soit le 8 octobre 1993. Ce fut la première des rencontres amicales et des échanges professionnels qui s’ensuivirent. On y adopta une charte souple et on convint de deux réunions annuelles d’études qui auraient lieu au printemps et à l’automne, et, en alternance, à Sudbury, Toronto et Ottawa, pour accommoder les membres. On ratifia également le projet de publication des travaux des membres dans un ouvrage collectif annuel, les Cahiers Charlevoix. Sudbury accueillit la sixième réunion en juin 1994 et Toronto, la septième en septembre de la même année.

Le déroulement de nos rencontres s’étale ordinairement sur deux jours. Un volet social (repas conviviaux, discussions, échanges de vues sur divers sujets d’intérêt commun) encadre le volet professionnel. L’ordre du jour de ce dernier comporte deux parties : d’abord, le règlement des affaires courantes de la société (rapports des démarches et activités, horaire et lieu des réunions, publications) pour lequel les postes de secrétaire, de trésorier et de rédacteur des Cahiers ont été créés ; ensuite, le séminaire de travail proprement dit où, par des discussions animées, franches et cordiales, on examine en profondeur les projets de recherche des membres puis les articles qui en découlent.

Groupe d’amis qui se sont librement mis à la tâche, sans attendre les subventions et les organismes qui auraient pu les soutenir, la Société Charlevoix souhaite que son initiative donne le goût à d’autres chercheurs de s’unir d’une façon aussi stimulante.

Le nom de la Société Charlevoix

Mais, associé depuis longtemps à la toponymie du Québec — un comté (1855), un canton (1871) et enfin une municipalité régionale de comté (MRC, 1982)[2], sans oublier des noms de rues comme à Québec et à Montréal — le nom même de Charlevoix, désormais accolé à une société d’études franco-ontariennes, en aurait déjà étonné plus d’un. Aussi convient-il ici de jeter quelque lumière sur ce point d’autant que, la mémoire humaine étant parfois réductrice, on ait ainsi tendance à tenir la face québécoise de cet auteur pour exclusive.

Pourtant, on admet aisément que la portée des travaux de ce jésuite historien, tout particulièrement son Histoire et description générale de la Nouvelle France et son Journal historique d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale (1744)[3], intéresse tout autant l’Acadie, l’Ontario et les États-Unis, du Michigan à la Louisiane, que le Québec, le champ d’opération de ce savant recouvrant ce qu’on appelle encore l’Amérique française. En conséquence, le premier véritable historien de la Nouvelle-France ne se sentirait nullement dépaysé en aucun lieu de son itinéraire de Québec à la Nouvelle-Orléans et à Biloxi entre 1720 et 1722. Rien donc d’inouï à ce que Charlevoix – comme Samuel de Champlain, par exemple, et bien d’autres – serve à dénommer un lieu ou une association un peu partout en Amérique française, ses recherches et ses déplacements l’y autorisant.

C’est bien plus par sa contribution scientifique que Charlevoix s’est attiré la faveur des membres de notre jeune société, qui l’ont voulue éponyme. L’auteur de la célèbre histoire de la Nouvelle-France a mis plus de vingt ans à compiler ses notes de voyage et à consulter toute la documentation qui lui était alors accessible avant de publier en 1744 son ouvrage. Entre temps, il avait exposé sa méthode dans « une dissertation sur l’importance en historiographie de faire une étude critique des sources originales et de comparer les témoignages oraux avec les documents écrits[4] ».

En outre, la partie ontarienne des travaux de Charlevoix est loin d’être négligeable puisqu’il a notamment fourni une excellente description de la région des Grands Lacs, à partir de laquelle Jacques-Nicolas Bellin put améliorer ses cartes. On s’en rendra compte en parcourant les « Remarques de M. Bellin, ingénieur de la marine, sur les cartes et les plans, qu’il a été chargé de dresser, pour joindre à l’Histoire générale de la Nouvelle France du Révérend Père de Charlevoix, de la Compagnie de Jésus : et au Journal de son voyage dans cette partie du monde », qui forment le premier avant-propos du Journal[5]. L’ingénieur explique ainsi la supériorité de Charlevoix :

Il est vrai, que notre Auteur a un avantage bien grand, c’est qu’il a vû par lui-même. Il a parcouru ces vastes Pays par ordre de la Cour, & les a parcourus en Homme attentif & curieux, avec dessein formé de prendre toutes les connoissances possibles, & d’en faire part au Public: aussi ai-je tiré de ses Mémoires particuliers beaucoup d’éclaircissements, que j’aurois en vain cherchés ailleurs […].[6]

Plus loin, parlant de sa « Carte des Lacs », Bellin précise :

J’ai tiré du Journal du R.P. de Charlevoix, la plus grande partie de ce qu’on y trouvera de bon. Cet Historien Voyageur a traversé dans toutes leurs longueurs le Lac Ontario, le Lac Érié, le Lac Huron & le Lac Michigan. Par-tout la Boussole à la main, il a relevé les principaux gisements de pointe en pointe; toutes les fois, que le temps lui a permis, il a observé la hauteur du Pole, il a estimé avec le plus de précision, qu’il étoit possible, les distances d’un lieu à un autre ; enfin il n’a rien négligé de tout ce qui pouvoit servir à la connoissance de ce Pays.[7]

Témoin privilégié de la période de la Nouvelle-France, Charlevoix évoque l’ancienneté de la présence française en terre ontarienne ; jésuite, il représente l’apport durable de cet ordre religieux à la construction d’une vie franco-ontarienne ; pionnier de la méthode scientifique, historien et chercheur ouvert aux autres disciplines, il illustre une attitude tout à fait contemporaine que David Hayne n’a pas manqué de souligner : « C’est précisément cette préoccupation au sujet de toute espèce de documentation : observations personnelles, témoignages oraux, sources bibliographiques et documents d’archives, qui font de Charlevoix un historien remarquablement moderne.[8] » Voilà quelques-unes des facettes de François-Xavier de Charlevoix, personnalité polyvalente et éminemment symbolique ; nos collègues, s’y étant par quelque aspect reconnus, ont résolu de placer leurs travaux à sa bonne enseigne.


[1] Fernand Dorais, professeur de littérature ; Gaétan Gervais, professeur d’histoire ; et Jean-Pierre Pichette, professeur de folklore et ethnologie de l’Université de Sudbury, fédérée à l’Université Laurentienne.
[2] Commission de toponymie du Québec, Noms et lieux du Québec. Dictionnaire illustré (Québec, Les Publications du Québec, [1994], XXXV-925 p.), p. 122-123.
[3] Les Éditions Élysée de Montréal ont publié en 1976 une réimpression en trois volumes de l’édition originale de 1744 : Histoire et description générale de la Nouvelle France avec le Journal historique d’un Voyage fait par ordre du Roi dans l’Amérique Septentrionnale (Paris, Nyon fils, 1744, 3 vol.). Voir aussi la belle édition critique du Journal que vient de publier Pierre Berthiaume en deux volumes dans la *Bibliothèque du Nouveau Monde+ (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1994, 1112 p.).
[4] David M. Hayne, *Charlevoix, Pierre-François-Xavier de+, dans le Dictionnaire biographique du Canada, vol. III (de 1741 à 1770), Québec, Presses de l’Université Laval, 1974, p. 114.
[5] Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, op. cit., tome III, Journal, p. [i]-xix. Pierre Berthiaume n’a pas reproduit ce texte dans son édition critique.
[6] Ibid., p. ii.
[7] Ibid., p. xii.
[8] David M. Hayne, op. cit., p. 114.