Nos disparus

Roger Bernard (1944-2000)

Roger Bernard, qui occupa le 6e fauteuil de la Société Charlevoix entre 1993 et 2000, est né en 1944 à Departure-Lake, près de Cochrane en Ontario. Il fit ses études secondaires au Petit Séminaire de Hearst. Muni de son diplôme, il enseigna au palier secondaire pendant l’année scolaire 1968-1969, avant de revenir aux études, cette fois au Collège Glendon de l’Université York. Il y obtint une maîtrise en sociologie en 1971. L’année suivante, il retourna dans le nord de la province et devint professeur à son alma mater, où il occupa aussi plusieurs postes administratifs. Fasciné par les comportements linguistiques des Franco-Ontariens de la région, il leur consacra un deuxième mémoire de maîtrise, qui fut déposé à l’Université d’Ottawa en 1978. Au début des années 1980, Roger Bernard séjourna à Montréal pour y poursuivre des études doctorales en sociologie à l’Université McGill. Il soutint sa thèse en 1987. Trois ans plus tard, il devint professeur à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. À la même époque, il dirigea « Vision d’avenir », un grand projet de cueillette et d’analyse de données sur les francophones du Canada, commandité par la Fédération des jeunes Canadiens français.

Roger Bernard publia de nombreux textes dans des revues et dans des ouvrages collectifs, ainsi que deux livres. Son essai De Québécois à Ontarois, paru en 1988 aux Éditions Le Nordir, devint rapidement un classique en études franco-ontariennes. En 1991, l’Institut franco-ontarien de l’Université Laurentienne lui décerna le prix Omer-Legault pour le livre le plus méritoire sur l’Ontario français. De Québécois à Ontarois fut réédité en 1996. Entretemps, en 1991, Roger Bernard avait publié, toujours aux Éditions Le Nordir, sa thèse de doctorat, Le Travail et l’espoir. Migrations, développement économique et mobilité sociale Québec/Ontario 1900-1985.

En 2000, Roger Bernard fut foudroyé par une crise cardiaque à son domicile d’Alexandria, dans l’est de l’Ontario. De façon posthume, son ami et éditeur Robert Yergeau fit paraître l’affidavit que le sociologue avait présenté en juillet 1998 devant la Cour divisionnaire de l’Ontario pour la convaincre de renverser la décision de la Commission de restructuration des services de santé, qui préconisait des fusions d’établissements préjudiciables au caractère francophone de l’Hôpital Montfort. Roger Bernard considérait ce manifeste comme la « quintessence de son cheminement intellectuel ».

Fernand Dorais (1928-2003)

Fernand Dorais est cofondateur de la Société Charlevoix, il en occupa le troisième fauteuil de 1992 à 1997 puis fut élu membre émérite en 1998. Né à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, le 8 mars 1928, il fréquenta l’Académie commerciale puis le Collège de Saint-Jean-d’Iberville où il obtint son baccalauréat en 1949. Il poursuivit sa formation à l’Université de Montréal (licence en lettres françaises, 1953) puis aux facultés jésuites de l’Immaculée-Conception de Montréal (licence en philosophie, 1955; licence en théologie, 1962); il fut ordonné prêtre en 1961. Plus tard, il inscrira encore une thèse de doctorat en Sorbonne et à l’Université de Montréal; il en résultera un fort manuscrit, « Approximations de l’Humain dans le Journal de Charles Du Bos », qui ne fut pas reçu et resta inédit (Paris-Montréal, 1963-1969, 965 p. ms.). Après un stage d’enseignement au Collège Sainte-Marie (Montréal, 1955-1958) et au Cégep Lionel-Groulx (Saint-Jérôme, 1967-1969), il devient professeur de littérature française et québécoise à l’Université Laurentienne et ainsi il passera à Sudbury le reste de sa carrière active jusqu’à sa retraite en décembre 1993. Un an plus tard, il rentre à la Maison des jésuites de Saint-Jérôme pour des raisons de santé.

Fernand Dorais était particulièrement fier de son rôle de professeur, pour lequel il reçut le Prix d’excellence dans l’enseignement de la Laurentienne (1993), et accordait une belle place à l’animation socioculturelle auprès des étudiants franco-ontariens : il se réjouissait d’ailleurs d’avoir inspiré la création de CANO, la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario, et de la Nuit sur l’étang, son «meilleur titre de gloire», comme également de sa participation à la naissance de la maison d’édition Prise de parole. Il est l’auteur de plusieurs dizaines d’articles, de chapitres de livres et de comptes rendus. Avec l’aide de René Dionne, professeur de littérature franco-ontarienne de l’Université d’Ottawa, il a réuni les plus importants de ces textes dans deux livres: Entre Montréal… et Sudbury. Pré-textes pour une francophonie ontarienne (Sudbury, Prise de parole, 1984) et Témoins d’errances en Ontario français. Réflexions venues de l’amer (Hearst, Le Nordir, 1990). Ces travaux lui ont mérité le Prix Omer-Legault (1993) de l’Institut franco-ontarien et le Prix du Nouvel-Ontario (1993). On lui attribua encore la paternité d’un ouvrage de création, qui fit scandale, Hermaphrodismes (Sudbury, Prise de parole, 1975), qu’il récusa parce qu’il jugeait cette publication « partielle et partiale ». La maison d’édition Prise de parole a publié à titre posthume en trois volumes Le Recueil de Dorais (volume 1 : « les essais », 2011 ; volume 2, « Trois contes d’androgynie suivi du Conte d’amour », 2014 ; volume 3 : « Mémoires d’un religieux québécois (1928-1944) », 2016). Fernand Dorais a marqué à sa façon le milieu nord-ontarien.

René Dionne (1929-2009)

René Dionne est né le 29 janvier 1929 à Saint-Philippe-de-Néri, comté de Kamouraska, au Québec. Aîné d’une famille de neuf enfants, il obtient un baccalauréat ès arts au terme de son cours classique au collège de Sainte-Anne-de-La-Pocatière (1942-1950). Entré chez les jésuites à Montréal, il est diplômé de l’école supérieure de lettres de la Compagnie de Jésus (1953), licencié en philosophie au collège de l’Immaculée-Conception (1958), puis titulaire d’une maîtrise ès arts en grec classique (1955) et d’une licence ès lettres (1960) de l’Université de Montréal. Après des études de théologie en France (1960-1964), il fera un doctorat ès lettres à l’Université de Sherbrooke (1975). Il fut professeur d’humanités (latin, grec, français) au collège Saint-Ignace, Montréal (1954-1956, 1958-1959), chargé de cours de littérature québécoise et d’histoire du Canada au collège Sainte-Marie, Montréal (1965-1969), directeur de travaux pratiques en littérature québécoise à l’Université de Montréal (1967-1969) et de nouveau chargé de cours en littérature québécoise à l’Université de Sherbrooke (1969-1970). Entré à l’Université d’Ottawa en 1970, il gravira tous les échelons de professeur adjoint à titulaire (1981), sera directeur du Département des lettres françaises (1975-1978) et nommé émérite à la fin de sa carrière (1994).

Essayiste et critique littéraire, René Dionne a été parmi les premiers à rédiger une thèse en littérature québécoise. Son essai consacré à Antoine Gérin-Lajoie, homme de lettres (1978) lui valut le prix Champlain 1979. Sans négliger la littérature québécoise – il collabore à l’Anthologie de la littérature québécoise, dirigée par Gilles Marcotte, en préparant les volumes II La Patrie littéraire, 1760-1895 (1978) et IV (avec Gabrielle Poulin) L’Âge de l’interrogation, 1936-1952 (1980) –, il entreprend, dès son arrivée à l’Université d’Ottawa, de documenter la littérature franco-ontarienne, dressant des bibliographies – Bibliographie de la littérature outaouaise et franco-ontarienne (1978, révisée et augmentée en 1981), Bibliographie de la littérature franco-ontarienne (1610-1993) (2000) –, des anthologies – Anthologie de la poésie franco-ontarienne, des origines à nos jours (1991) –, jusqu’à une histoire et une anthologie de cette littérature – Histoire de la littérature franco-ontarienne, des origines à nos jours (2 tomes, 1997, 2000) et Anthologie de la littérature franco-ontarienne, des origines à nos jours (2 tomes, 1997, 2000). On lui doit encore quelques études : Littérature régionale aux confins de l’histoire et de la géographie (1993), Journal du père Dominique du Ranquet (avec Fernand Ouellet, 2000), Le Droit. Journal culturel des Franco-Ontariens (2002). Au total, il a écrit une vingtaine de livres, dirigé une trentaine d’ouvrages collectifs et publié plusieurs centaines d’articles dans de nombreux périodiques. Au cours de sa féconde carrière, on lui décerna plusieurs honneurs, dont un doctorat honorifique du collège Glendon de l’Université York (1995) et le prix Marguerite-Maillet (2007), attribué par l’Association des professeurs des littératures acadienne et québécoise de l’Atlantique (Aplaqa). Marié depuis 1970 à Gabrielle Poulin, essayiste, critique littéraire, poète et romancière, il est décédé le 29 décembre 2009.

Gaétan Gervais (1944-2018)

Gaétan Gervais est originaire du nord de l’Ontario. Il a passé son enfance entre Saint-Charles et Sudbury. Il a obtenu un baccalauréat de l’Université Laurentienne, puis une maîtrise et un doctorat de l’Université d’Ottawa. Après ses études doctorales, il se consacre à l’histoire ontarienne et, plus spécifiquement, à l’histoire franco-ontarienne. Il est l’auteur de plusieurs livres dont La colonisation française et canadienne du Nipissing (1610-1920) (1980), Les jumelles Dionne et l’Ontario français (2000), L’Ontario français : des Pays-d’en-Haut à nos jours (avec Michel Bock, 2004), Des gens de résolution : le passage du Canada français à l’Ontario français (2003). Il faut ajouter à ces livres plusieurs rapports de recherche, articles et chapitres de livres. Il faut aussi compter des directions d’ouvrages dont celle de Toponymes français de l’Ontario selon les cartes anciennes (avant 1764) (1985) et celle de Dictionnaire des écrits de l’Ontario français (avec Jean-Pierre Pichette, 2010). Gaétan Gervais a été professeur à l’Université Laurentienne à compter de 1972 et jusqu’à la date de sa retraite, le 1er juillet 2010. Il y dirigera pendant quelques années le Conseil de l’enseignement en français. Il sera aussi dégrevé de son enseignement de 1991 à 1994 pour agir au sein du Conseil de l’éducation franco-ontarien. Avec Michel Dupuis, il a conçu le drapeau franco-ontarien qui a été hissé pour la première fois devant l’Université de Sudbury en 1975. Il a participé à la fondation de l’Institut franco-ontarien (1976) et à celle de la Société Charlevoix (1992). Il a œuvré au sein d’organismes comme la Société historique du Nouvel-Ontario, l’Ontario Heritage Foundation et le Centre franco-ontarien de folklore. Son œuvre lui a valu plusieurs distinctions dont celles de Membre de l’Ordre du Mérite franco-ontarien (1994), de Chevalier de la Pléiade décernée par l’Assemblée parlementaire de la francophonie (2005), de Membre de la Compagnie des Cent-Associés francophones (2005), de Membre de l’Ordre des francophones d’Amérique (2007) et de Membre de l’Ordre du Canada (2013). Une école secondaire du conseil scolaire laïque de langue française du Centre-Sud-Ouest ontarien porte son nom. Il est décédé le 20 octobre 2018.